Délinquance : les "couvre-feux" sont-ils efficaces ?
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Délinquance : les "couvre-feux" sont-ils efficaces ?
Délinquance : les "couvre-feux" sont-ils efficaces ?
Cet été, plusieurs maires ont pris des arrêtés pour interdire aux mineurs de circuler seuls le soir dans la rue. Une mesure décriée.
L'été, c'est la saison des arrêtés. Anti-mendicité agressive, anti-prostitution, anti-bivouac, anti-linge aux fenêtres, anti-drapeaux étrangers, anti-torse nu... Les maires usent et abusent de ces actes administratifs pour éradiquer ce qu'ils considèrent comme des entraves au bien-être de leur municipalité, et se faire un peu de publicité électorale. Cette saison, ceux qui interdisent aux mineurs non accompagnés de circuler sont particulièrement à la mode. La mesure a été prise par Robert Ménard (apparenté FN) à Béziers (Hérault), mais aussi par Manuel Aeschlimann (UMP) à Asnières (Hauts-de-Seine), par François Durovray (UMP) à Montgeron (Essonne), par Bernard Aubril (UMP) à Lisieux (Calvados), par Dominique Pionat à Cézac (Gironde) ainsi que par Philippe Lemaître (UDI) dans la commune normande de Villedieu-les-Poêles.
Ces dernières années, Nice, Orléans, ou Cannes avaient pris de pareilles dispositions. Parfois prisé par des maires sans étiquette, et plus rarement de gauche, le couvre-feu fait plutôt partie de l'arsenal municipal du maire de droite pour lutter contre la délinquance. Mais cette mesure, partie intégrante de la doctrine de la "guerre contre-insurrectionnelle", qui fut généralisée par la Wehrmacht dans les territoires occupés ou appliquée lors de la bataille d'Alger, est-elle vraiment utile dans la paisible France ?
Un coup de com inutile
Aux États-Unis, la mesure était populaire dans les années 1990, lorsque la délinquance qui gangrénait les villes de la côte ouest était liée aux attroupements de jeunes désoeuvrés dans les rues. Depuis, elle a disparu faute de résultats concrets, même si elle fait actuellement son retour à Baltimore. En France, aucune étude d'impact sur la délinquance n'a été réalisée sur le couvre-feu pour mineurs. Mais chaque année, il est automatiquement reconduit dans de nombreuses communes. Ses détracteurs dénoncent un coup de com inutile : parfois inapplicable, voire illégal, l'arrêté permettrait juste à l'édile d'afficher une image de fermeté à peu de frais.
À Béziers, par exemple, la mesure a été prise par Robert Ménard, puis modifiée, après une plainte de la Ligue des droits de l'homme (LDH) devant le tribunal administratif de Montpellier, au motif qu'on ne peut infliger d'amende à un mineur. Et si la nouvelle version, qui prévoit cette fois d'éventuelles poursuites pénales contre les parents, n'a pas été retoquée par le tribunal malgré une nouvelle plainte de la LDH, Stéphane Navarro, du syndicat SGP Police FO, remet tout de même l'applicabilité de la mesure en question. "Si l'enfant est dans la rue, non accompagné par un majeur après l'heure autorisée, encore faut-il s'assurer qu'il est dans la tranche d'âge visée par l'arrêté. Pour cela, il faut procéder à un contrôle d'identité. Mais le policier municipal n'est habilité à le faire que s'il le surprend en train de commettre une infraction." Or, si une infraction est commise, la loi justifie déjà l'intervention des policiers.
Par ailleurs, la plupart des maires reconnaissent que les interpellations de mineurs au motif qu'ils circulent seuls dans la rue n'arrivent quasiment jamais dans les faits. Cela peut signifier soit que l'arrêté ne sert à rien, car il est inappliqué, voire inapplicable, soit qu'il est très efficace puisque les enfants ne traînent plus dans la rue à des heures impossibles.
"Un aspect psychologique"
Pas dupes, les élus considèrent qu'il ne s'agit pas d'une formule magique pour éradiquer la délinquance, mais que l'arrêté peut tout de même "apporter sa pierre à l'édifice", comme l'explique Manuel Aeschlimann. Le maire d'Asnières l'avait pris en 2001 lors de son premier mandat, puis l'a réhabilité lors du second mandat en 2014, alors que son prédécesseur socialiste l'avait jeté aux oubliettes. "Lors de mon premier mandat, nous avons réussi à faire baisser la délinquance de 30 % grâce à une palette de mesures comme le renforcement des patrouilles, la vidéosurveillance, le soutien scolaire, mais également le couvre-feu", explique-t-il. Le maire reconnaît qu'il s'agit bel et bien d'"une mesure de communication, mais dans un sens non péjoratif". Pour lui, cela participe d'un message selon lequel la municipalité sera intransigeante avec la sécurité publique.
Maire de Villedieu-les-Poêles, Philippe Lemaître évoque, lui aussi, "un aspect psychologique" à destination des enfants et surtout des parents, qui savent que si leurs enfants se trouvent en ville ils peuvent se faire interpeller. "Je n'y étais pas particulièrement favorable, mais c'est la gendarmerie et la police qui étaient demandeuses", explique-t-il. De son côté, Daniel de La Crouée, adjoint à la sécurité du maire de Lisieux, considère que le terme "psychologique" n'est pas le plus approprié, même s'il reconnaît qu'il s'agit bien de faire passer un message. "Je parlerais plutôt d'effet préventif et dissuasif. Cet arrêté n'a pas vocation à faire peur ni à sanctionner, mais à rappeler le bon sens : éviter que des mineurs circulent seuls la nuit et qu'ils se mettent en danger."
C'est justement ce bon sens qui devrait rendre la norme obsolète : même en l'absence d'arrêté et d'infraction, si un policier ou n'importe quel citoyen responsable croise un enfant dans la rue à 3 heures du matin, nul doute qu'il fera en sorte de le ramener chez lui. Le couvre-feu viendrait donc pallier "une carence de pédagogie dans la société", dixit Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, qui n'a pas su faire comprendre aux enfants et aux parents qu'un enfant "n'a pas sa place dans la rue en pleine nuit".
source : lepoint
Cet été, plusieurs maires ont pris des arrêtés pour interdire aux mineurs de circuler seuls le soir dans la rue. Une mesure décriée.
L'été, c'est la saison des arrêtés. Anti-mendicité agressive, anti-prostitution, anti-bivouac, anti-linge aux fenêtres, anti-drapeaux étrangers, anti-torse nu... Les maires usent et abusent de ces actes administratifs pour éradiquer ce qu'ils considèrent comme des entraves au bien-être de leur municipalité, et se faire un peu de publicité électorale. Cette saison, ceux qui interdisent aux mineurs non accompagnés de circuler sont particulièrement à la mode. La mesure a été prise par Robert Ménard (apparenté FN) à Béziers (Hérault), mais aussi par Manuel Aeschlimann (UMP) à Asnières (Hauts-de-Seine), par François Durovray (UMP) à Montgeron (Essonne), par Bernard Aubril (UMP) à Lisieux (Calvados), par Dominique Pionat à Cézac (Gironde) ainsi que par Philippe Lemaître (UDI) dans la commune normande de Villedieu-les-Poêles.
Ces dernières années, Nice, Orléans, ou Cannes avaient pris de pareilles dispositions. Parfois prisé par des maires sans étiquette, et plus rarement de gauche, le couvre-feu fait plutôt partie de l'arsenal municipal du maire de droite pour lutter contre la délinquance. Mais cette mesure, partie intégrante de la doctrine de la "guerre contre-insurrectionnelle", qui fut généralisée par la Wehrmacht dans les territoires occupés ou appliquée lors de la bataille d'Alger, est-elle vraiment utile dans la paisible France ?
Un coup de com inutile
Aux États-Unis, la mesure était populaire dans les années 1990, lorsque la délinquance qui gangrénait les villes de la côte ouest était liée aux attroupements de jeunes désoeuvrés dans les rues. Depuis, elle a disparu faute de résultats concrets, même si elle fait actuellement son retour à Baltimore. En France, aucune étude d'impact sur la délinquance n'a été réalisée sur le couvre-feu pour mineurs. Mais chaque année, il est automatiquement reconduit dans de nombreuses communes. Ses détracteurs dénoncent un coup de com inutile : parfois inapplicable, voire illégal, l'arrêté permettrait juste à l'édile d'afficher une image de fermeté à peu de frais.
À Béziers, par exemple, la mesure a été prise par Robert Ménard, puis modifiée, après une plainte de la Ligue des droits de l'homme (LDH) devant le tribunal administratif de Montpellier, au motif qu'on ne peut infliger d'amende à un mineur. Et si la nouvelle version, qui prévoit cette fois d'éventuelles poursuites pénales contre les parents, n'a pas été retoquée par le tribunal malgré une nouvelle plainte de la LDH, Stéphane Navarro, du syndicat SGP Police FO, remet tout de même l'applicabilité de la mesure en question. "Si l'enfant est dans la rue, non accompagné par un majeur après l'heure autorisée, encore faut-il s'assurer qu'il est dans la tranche d'âge visée par l'arrêté. Pour cela, il faut procéder à un contrôle d'identité. Mais le policier municipal n'est habilité à le faire que s'il le surprend en train de commettre une infraction." Or, si une infraction est commise, la loi justifie déjà l'intervention des policiers.
Par ailleurs, la plupart des maires reconnaissent que les interpellations de mineurs au motif qu'ils circulent seuls dans la rue n'arrivent quasiment jamais dans les faits. Cela peut signifier soit que l'arrêté ne sert à rien, car il est inappliqué, voire inapplicable, soit qu'il est très efficace puisque les enfants ne traînent plus dans la rue à des heures impossibles.
"Un aspect psychologique"
Pas dupes, les élus considèrent qu'il ne s'agit pas d'une formule magique pour éradiquer la délinquance, mais que l'arrêté peut tout de même "apporter sa pierre à l'édifice", comme l'explique Manuel Aeschlimann. Le maire d'Asnières l'avait pris en 2001 lors de son premier mandat, puis l'a réhabilité lors du second mandat en 2014, alors que son prédécesseur socialiste l'avait jeté aux oubliettes. "Lors de mon premier mandat, nous avons réussi à faire baisser la délinquance de 30 % grâce à une palette de mesures comme le renforcement des patrouilles, la vidéosurveillance, le soutien scolaire, mais également le couvre-feu", explique-t-il. Le maire reconnaît qu'il s'agit bel et bien d'"une mesure de communication, mais dans un sens non péjoratif". Pour lui, cela participe d'un message selon lequel la municipalité sera intransigeante avec la sécurité publique.
Maire de Villedieu-les-Poêles, Philippe Lemaître évoque, lui aussi, "un aspect psychologique" à destination des enfants et surtout des parents, qui savent que si leurs enfants se trouvent en ville ils peuvent se faire interpeller. "Je n'y étais pas particulièrement favorable, mais c'est la gendarmerie et la police qui étaient demandeuses", explique-t-il. De son côté, Daniel de La Crouée, adjoint à la sécurité du maire de Lisieux, considère que le terme "psychologique" n'est pas le plus approprié, même s'il reconnaît qu'il s'agit bien de faire passer un message. "Je parlerais plutôt d'effet préventif et dissuasif. Cet arrêté n'a pas vocation à faire peur ni à sanctionner, mais à rappeler le bon sens : éviter que des mineurs circulent seuls la nuit et qu'ils se mettent en danger."
C'est justement ce bon sens qui devrait rendre la norme obsolète : même en l'absence d'arrêté et d'infraction, si un policier ou n'importe quel citoyen responsable croise un enfant dans la rue à 3 heures du matin, nul doute qu'il fera en sorte de le ramener chez lui. Le couvre-feu viendrait donc pallier "une carence de pédagogie dans la société", dixit Jean-Pierre Rosenczveig, président du tribunal pour enfants de Bobigny, qui n'a pas su faire comprendre aux enfants et aux parents qu'un enfant "n'a pas sa place dans la rue en pleine nuit".
source : lepoint
oumsarah- Posteur confirmé(e)
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Date d'inscription : 07/08/2014
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