Quand la génétique vient au secours du bégaiement
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Quand la génétique vient au secours du bégaiement
es chercheurs ont identifié trois gènes, qui seraient impliqués dans 5 à 10 % des cas. Un médicament à l'essai pourrait aider les bègues.
Pendant des siècles, les causes de cette «boiterie» de la parole sont restées mystérieuses. Des scientifiques américains lèvent une partie du voile en identifiant pour la première fois trois gènes associés au bégaiement. Leurs travaux, dirigés par Dennis Drayna (instituts nationaux de la santé, Bethesda), ont été publiés la semaine dernière dans le New England Journal of Medicine. Même si elle ne concerne qu'une minorité des cas, cette susceptibilité génétique bat en brèche la théorie assez répandue de l'origine psychologique de ce trouble de la communication.
Décrit depuis l'Antiquité dans toutes les populations humaines, le bégaiement est un symptôme fréquent. Environ 5 % des enfants d'âge préscolaire sont concernés. Les troubles régressent dans la majorité des cas, mais ils persistent, fluctuants et plus ou moins handicapants, chez un individu sur quatre. Au total, on considère qu'environ 1 % des adultes sont bègues, soit plus de 60 millions de personnes sur la planète, 600 000 en France.
C'est l'existence de nombreux cas familiaux qui a mis la puce à l'oreille des généticiens. Il y a quelques années, en se penchant sur 46 familles pakistanaises consanguines fortement touchées, Dennis Drayna avait suggéré des anomalies sur le chromosome 12. Dans cette nouvelle phase, le chercheur a poussé les analyses génétiques sur cette population, mais aussi sur un groupe de sujets bègues non consanguins et des témoins. Il a ainsi identifié des mutations sur trois gènes (GNTPAB, GNPTG et NAGPA) portés par le chromosome 12, chez 5 à 10 % des personnes bègues.
Ces découvertes sont d'autant plus surprenantes que les trois gènes en question gouvernent le métabolisme des lysosomes, des petits organites qui sont en quelque sorte l'estomac des cellules, leur permettant de digérer les molécules pour mieux les recycler. Jusqu'ici, des mutations sur cette famille de gènes n'avaient été associées qu'à des maladies rares, les mucolipidoses. «Les résultats de cette équipe américaine sont très inattendus, mais le fait que les anomalies décrites portent sur une même voie métabolique leur donne du poids », estime le Pr Thierry Levade (biologiste au CHU de Toulouse), dont le laboratoire est le seul en France à faire le diagnostic moléculaire des mucolipidoses. Jusqu'ici, à sa connaissance, il n'a pas été décrit de bégaiement systématique chez les enfants atteints de mucolipidose ; ni même chez leurs parents, porteurs d'une mutation mais non malades. «Il faudrait étudier l'impact biologique des mutations qui viennent d'être identifiées, car pour l'instant, il manque un maillon entre ces anomalies génétiques et les symptômes», note encore le Pr Levade.
«On sort enfin de l'obscurantisme », se réjouit le Dr Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, phoniatre à Paris. Selon cette spécialiste du bégaiement, il existe de nets progrès ces dernières années dans ce domaine, grâce aux études génétiques et en neuro-imagerie. Un excès de production de dopamine au niveau cérébral a ainsi été mis en évidence chez des personnes bègues. «Nous progressons beaucoup dans l'identification des différents types de bégaiements, continue le Dr Monfrais-Pfauwadel. À terme, cette démarche permettra de préciser des sous-groupes susceptibles de répondre à certains traitements. » Le plus souvent, le trouble de la parole est associé à d'autres signes : déficit de l'attention, tics ou encore troubles de coordination. Il n'apparaîtrait de manière isolée que dans 20 % des cas. «Dans cinq ans, on y verra plus clair, mais je reste fidèle à la théorie psychogène», assure le Dr Jean Marvaud, psychiatre à Bordeaux et président de l'association Parole-Bégaiement.
Malgré le handicap parfois considérable que le bégaiement constitue pour elles dans la vie sociale et professionnelle, la plupart des personnes bègues ne consultent pas. Pour les autres, la prise en charge se fait le plus souvent par des techniques de rééducation spécialisée mises en œuvre par des orthophonistes, plus rarement des phoniatres. Exceptionnellement, des psychiatres sont sollicités. «Peu de ces professionnels sont réellement spécialisés dans le bégaiement », regrette le Dr Monfrais-Pfauwadel.
Myorelaxants, antidépresseurs, voire antipsychotiques… des médicaments sont proposés dans certains cas, selon les symptômes associés et la gravité. Beaucoup attendent avec impatience les résultats d'un vaste essai américain avec le pagoclone, une molécule originale initialement pressentie comme anxiolytique. S'il est commercialisé, ce sera le premier médicament destiné explicitement au bégaiement. Le Dr Monfrais-Pfauwadel prévient toutefois ses patients que la prise en charge va les aider à mieux parler, mieux gérer leurs difficultés et mieux les accepter, mais pas forcément les guérir.
Lefigaro.fr
Pendant des siècles, les causes de cette «boiterie» de la parole sont restées mystérieuses. Des scientifiques américains lèvent une partie du voile en identifiant pour la première fois trois gènes associés au bégaiement. Leurs travaux, dirigés par Dennis Drayna (instituts nationaux de la santé, Bethesda), ont été publiés la semaine dernière dans le New England Journal of Medicine. Même si elle ne concerne qu'une minorité des cas, cette susceptibilité génétique bat en brèche la théorie assez répandue de l'origine psychologique de ce trouble de la communication.
Décrit depuis l'Antiquité dans toutes les populations humaines, le bégaiement est un symptôme fréquent. Environ 5 % des enfants d'âge préscolaire sont concernés. Les troubles régressent dans la majorité des cas, mais ils persistent, fluctuants et plus ou moins handicapants, chez un individu sur quatre. Au total, on considère qu'environ 1 % des adultes sont bègues, soit plus de 60 millions de personnes sur la planète, 600 000 en France.
C'est l'existence de nombreux cas familiaux qui a mis la puce à l'oreille des généticiens. Il y a quelques années, en se penchant sur 46 familles pakistanaises consanguines fortement touchées, Dennis Drayna avait suggéré des anomalies sur le chromosome 12. Dans cette nouvelle phase, le chercheur a poussé les analyses génétiques sur cette population, mais aussi sur un groupe de sujets bègues non consanguins et des témoins. Il a ainsi identifié des mutations sur trois gènes (GNTPAB, GNPTG et NAGPA) portés par le chromosome 12, chez 5 à 10 % des personnes bègues.
Ces découvertes sont d'autant plus surprenantes que les trois gènes en question gouvernent le métabolisme des lysosomes, des petits organites qui sont en quelque sorte l'estomac des cellules, leur permettant de digérer les molécules pour mieux les recycler. Jusqu'ici, des mutations sur cette famille de gènes n'avaient été associées qu'à des maladies rares, les mucolipidoses. «Les résultats de cette équipe américaine sont très inattendus, mais le fait que les anomalies décrites portent sur une même voie métabolique leur donne du poids », estime le Pr Thierry Levade (biologiste au CHU de Toulouse), dont le laboratoire est le seul en France à faire le diagnostic moléculaire des mucolipidoses. Jusqu'ici, à sa connaissance, il n'a pas été décrit de bégaiement systématique chez les enfants atteints de mucolipidose ; ni même chez leurs parents, porteurs d'une mutation mais non malades. «Il faudrait étudier l'impact biologique des mutations qui viennent d'être identifiées, car pour l'instant, il manque un maillon entre ces anomalies génétiques et les symptômes», note encore le Pr Levade.
«On sort enfin de l'obscurantisme », se réjouit le Dr Marie-Claude Monfrais-Pfauwadel, phoniatre à Paris. Selon cette spécialiste du bégaiement, il existe de nets progrès ces dernières années dans ce domaine, grâce aux études génétiques et en neuro-imagerie. Un excès de production de dopamine au niveau cérébral a ainsi été mis en évidence chez des personnes bègues. «Nous progressons beaucoup dans l'identification des différents types de bégaiements, continue le Dr Monfrais-Pfauwadel. À terme, cette démarche permettra de préciser des sous-groupes susceptibles de répondre à certains traitements. » Le plus souvent, le trouble de la parole est associé à d'autres signes : déficit de l'attention, tics ou encore troubles de coordination. Il n'apparaîtrait de manière isolée que dans 20 % des cas. «Dans cinq ans, on y verra plus clair, mais je reste fidèle à la théorie psychogène», assure le Dr Jean Marvaud, psychiatre à Bordeaux et président de l'association Parole-Bégaiement.
Malgré le handicap parfois considérable que le bégaiement constitue pour elles dans la vie sociale et professionnelle, la plupart des personnes bègues ne consultent pas. Pour les autres, la prise en charge se fait le plus souvent par des techniques de rééducation spécialisée mises en œuvre par des orthophonistes, plus rarement des phoniatres. Exceptionnellement, des psychiatres sont sollicités. «Peu de ces professionnels sont réellement spécialisés dans le bégaiement », regrette le Dr Monfrais-Pfauwadel.
Myorelaxants, antidépresseurs, voire antipsychotiques… des médicaments sont proposés dans certains cas, selon les symptômes associés et la gravité. Beaucoup attendent avec impatience les résultats d'un vaste essai américain avec le pagoclone, une molécule originale initialement pressentie comme anxiolytique. S'il est commercialisé, ce sera le premier médicament destiné explicitement au bégaiement. Le Dr Monfrais-Pfauwadel prévient toutefois ses patients que la prise en charge va les aider à mieux parler, mieux gérer leurs difficultés et mieux les accepter, mais pas forcément les guérir.
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