VIANDE: CHRONOLOGIE D'UN SCANDALE ANNONCE
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VIANDE: CHRONOLOGIE D'UN SCANDALE ANNONCE
VIANDE:CHRONOLOGIE D'UN SCANDALE ANNONCE
LE MONDE | 15.02.2013 à 11h59 • Mis à jour le 18.02.2013 à 13h37 Par Eric Albert (Londres, correspondance)
Au départ, il y a le hasard. Au bout du compte, il y a la révélation de fraudes qui n'ont rien d'isolé et témoignent tout à la fois de la crise d'un secteur, celui du cheval en Europe, et de pratiques peu regardantes, celles de l'industrie agroalimentaire.
L'"affaire" de la viande de cheval débute le 17 septembre 2012, quand un inspecteur sanitaire du comté de Newry (Irlande du Nord) constate un problème d'étiquetage et d'emballage sur un stock de viande surgelée. Par hasard il vient de tomber sur l'un des plus grands scandales alimentaires récents.
La viande appartenait à l'entreprise McAdams, petite structure d'import-export basée de l'autre côté de la frontière, en République d'Irlande. Il faut quelques semaines pour que le dossier soit transféré d'un pays à l'autre, puis trois mois aux autorités irlandaises pour remonter la filière.
Le scandale éclate finalement mi-janvier : jusqu'à 29 % de viande chevaline se trouve dans les steaks hachés supposés au bœuf des supermarchés Tesco, Iceland et Lidl. Son origine : la Pologne.
Inquiètes, beaucoup d'usines agroalimentaires en Europe commencent alors à effectuer des tests. Et fin janvier, le français Comigel alerte Findus : ses lasagnes sont contaminées, jusqu'à 100 % dans certains cas.
La marque de surgelés tire alors la sonnette d'alarme au Royaume-Uni le 4 février, annonçant qu'elle retire ses produits. Depuis, des dizaines de plats ont été soustraits du marché, et huit pays, touchés par le scandale : Irlande, Royaume-Uni, France, Suisse, Pays-Bas, Belgique, Allemagne et Suède.
AFFLUX DE CHEVAUX DANS LES ABATTOIRS
Il ne s'agit pas d'une simple fraude isolée, réalisée par un sous-traitant véreux. L'affaire est plus étendue : trois filières différentes ont, pour l'instant, été mises au jour. La première en Irlande, avec de la viande polonaise ; la deuxième avec Comigel, et de la viande roumaine. La troisième, découverte la semaine dernière, vient du Royaume-Uni, où les autorités ont procédé à trois arrestations jeudi 14 février.
Les abattoirs Peter Boddy, dans le Yorkshire (nord de l'Angleterre) sont accusés d'avoir envoyé des carcasses de chevaux à l'usine agroalimentaire galloise Farmbox Meats, qui les transformaient en steaks hachés et en kebabs.
Comment en est-on arrivé là ? L'explication est double. La première est la "crise du cheval".
Avec la récession en Europe, beaucoup de propriétaires d'équidés n'ont plus les moyens de les conserver. Une possibilité est de les abandonner : l'association World Horse Welfare (WHW) estime ainsi que 6 000 chevaux ont besoin de trouver un nouveau refuge au Royaume-Uni.
Une autre solution est de les envoyer à l'abattoir. "Incinérer un cheval coûte de l'argent. En faire de la viande rapporte quelques centaines d'euros", explique Jessica Stark, porte-parole de WHW.
En Irlande, le pays d'Europe qui a la plus grande concentration de chevaux, 25 000 ont été envoyés aux abattoirs au cours de l'année 2012, contre 2 000 en 2008. Au Royaume-Uni, le nombre a doublé en trois ans pour atteindre 9 000. Du coup, la viande chevaline est très bon marché.
En Roumanie, la situation est légèrement différente, mais le résultat est le même. Une loi interdisant les voitures à chevaux sur les routes nationales a rendu inutiles de très nombreux équidés ; beaucoup se sont donc retrouvés à la boucherie. Aujourd'hui, selon les prix d'un abattoir roumain que Le Monde a pu consulter, la viande chevaline coûte moitié moins cher que celle de bœuf.
PRESSION FINANCIÈRE SUR LA FILIÈRE
Dans ces conditions, la tentation de remplacer l'une par l'autre est grande. Et c'est là qu'intervient la deuxième explication : l'industrie agroalimentaire se montre d'autant moins regardante qu'elle est focalisée sur les coûts.
Un exemple : les spaghettis à la bolognaise surgelés des supermarchés Tesco, sous-traités auprès de Comigel, dans lesquels jusqu'à 60 % de cheval a été trouvé. Vendu une livre (1,20 euro) les 450 grammes, le plat est bon marché.
L'enseigne britannique se dit aujourd'hui victime d'une fraude et affirme qu'elle ne travaillera plus avec Comigel, qui n'a pas respecté le cahier des charges qui garantissait 100 % de bœuf irlandais.
Cela soulève pourtant une question : comment un distributeur britannique peut-il commander à prix plancher à une usine basée au Luxembourg un plat fait avec du bœuf irlandais, sans s'interroger sur les méthodes employées ?
Légalement, Tesco est couvert. Les règles européennes obligent simplement les entreprises à suivre les produits alimentaires, une étape avant et une étape après : il faut savoir quelle société avait l'ingrédient juste avant et où cela va ensuite. Du coup, presque personne ne connaît la chaîne de fabrication dans son intégralité.
"Cela pourrait être évité si les entreprises agroalimentaires prenaient leurs responsabilités et cherchaient à superviser le tout. Mais l'industrie est sous une telle pression financière que personne ne veut le faire. La tentation de la fraude est évidente", accuse Andy Bowles, directeur d'ABC Food Safety, société britannique qui forme des inspecteurs sanitaires.
Erica Sheward de l'université de Greenwich (Royaume-Uni) le confirme à sa manière : "Comment les consommateurs qui achètent des steaks hachés à 29 pence (33 centimes) peuvent-ils croire qu'ils n'ont que du bœuf ?"
Cette pression financière n'est pas nouvelle, et le scandale de la viande de cheval n'est pas la première fraude. Au Royaume-Uni, deux autres affaires ont défrayé la chronique ces dernières années. En 2009, on a injecté dans des poulets un liquide dérivé de peaux de porc et de bœuf pour les gonfler. Quelques années plus tôt, on avait fait passer de vieux moutons du pays de Galles pour de jeunes brebis.
"IL FAUT S'ATTENDRE À D'AUTRES RÉVÉLATIONS"
Si bien que dans le milieu alimentaire, personne ne s'étonne vraiment du nouveau scandale. "Je ne suis pas surpris, témoigne sous le couvert de l'anonymat un inspecteur sanitaire basé à Londres. Les supermarchés cherchent tellement à écraser les prix que les dérapages sont inévitables."
Même le département britannique de l'horticulture et de l'agriculture, qui supervise la filière bovine, le reconnaît : "A son extrémité, le commerce de la viande peut être assez trouble", dit Guy Attenborough, son directeur de la communication, qui prévient : "Il faut s'attendre à d'autres révélations."
LE MONDE | 15.02.2013 à 11h59 • Mis à jour le 18.02.2013 à 13h37 Par Eric Albert (Londres, correspondance)
Au départ, il y a le hasard. Au bout du compte, il y a la révélation de fraudes qui n'ont rien d'isolé et témoignent tout à la fois de la crise d'un secteur, celui du cheval en Europe, et de pratiques peu regardantes, celles de l'industrie agroalimentaire.
L'"affaire" de la viande de cheval débute le 17 septembre 2012, quand un inspecteur sanitaire du comté de Newry (Irlande du Nord) constate un problème d'étiquetage et d'emballage sur un stock de viande surgelée. Par hasard il vient de tomber sur l'un des plus grands scandales alimentaires récents.
La viande appartenait à l'entreprise McAdams, petite structure d'import-export basée de l'autre côté de la frontière, en République d'Irlande. Il faut quelques semaines pour que le dossier soit transféré d'un pays à l'autre, puis trois mois aux autorités irlandaises pour remonter la filière.
Le scandale éclate finalement mi-janvier : jusqu'à 29 % de viande chevaline se trouve dans les steaks hachés supposés au bœuf des supermarchés Tesco, Iceland et Lidl. Son origine : la Pologne.
Inquiètes, beaucoup d'usines agroalimentaires en Europe commencent alors à effectuer des tests. Et fin janvier, le français Comigel alerte Findus : ses lasagnes sont contaminées, jusqu'à 100 % dans certains cas.
La marque de surgelés tire alors la sonnette d'alarme au Royaume-Uni le 4 février, annonçant qu'elle retire ses produits. Depuis, des dizaines de plats ont été soustraits du marché, et huit pays, touchés par le scandale : Irlande, Royaume-Uni, France, Suisse, Pays-Bas, Belgique, Allemagne et Suède.
AFFLUX DE CHEVAUX DANS LES ABATTOIRS
Il ne s'agit pas d'une simple fraude isolée, réalisée par un sous-traitant véreux. L'affaire est plus étendue : trois filières différentes ont, pour l'instant, été mises au jour. La première en Irlande, avec de la viande polonaise ; la deuxième avec Comigel, et de la viande roumaine. La troisième, découverte la semaine dernière, vient du Royaume-Uni, où les autorités ont procédé à trois arrestations jeudi 14 février.
Les abattoirs Peter Boddy, dans le Yorkshire (nord de l'Angleterre) sont accusés d'avoir envoyé des carcasses de chevaux à l'usine agroalimentaire galloise Farmbox Meats, qui les transformaient en steaks hachés et en kebabs.
Comment en est-on arrivé là ? L'explication est double. La première est la "crise du cheval".
Avec la récession en Europe, beaucoup de propriétaires d'équidés n'ont plus les moyens de les conserver. Une possibilité est de les abandonner : l'association World Horse Welfare (WHW) estime ainsi que 6 000 chevaux ont besoin de trouver un nouveau refuge au Royaume-Uni.
Une autre solution est de les envoyer à l'abattoir. "Incinérer un cheval coûte de l'argent. En faire de la viande rapporte quelques centaines d'euros", explique Jessica Stark, porte-parole de WHW.
En Irlande, le pays d'Europe qui a la plus grande concentration de chevaux, 25 000 ont été envoyés aux abattoirs au cours de l'année 2012, contre 2 000 en 2008. Au Royaume-Uni, le nombre a doublé en trois ans pour atteindre 9 000. Du coup, la viande chevaline est très bon marché.
En Roumanie, la situation est légèrement différente, mais le résultat est le même. Une loi interdisant les voitures à chevaux sur les routes nationales a rendu inutiles de très nombreux équidés ; beaucoup se sont donc retrouvés à la boucherie. Aujourd'hui, selon les prix d'un abattoir roumain que Le Monde a pu consulter, la viande chevaline coûte moitié moins cher que celle de bœuf.
PRESSION FINANCIÈRE SUR LA FILIÈRE
Dans ces conditions, la tentation de remplacer l'une par l'autre est grande. Et c'est là qu'intervient la deuxième explication : l'industrie agroalimentaire se montre d'autant moins regardante qu'elle est focalisée sur les coûts.
Un exemple : les spaghettis à la bolognaise surgelés des supermarchés Tesco, sous-traités auprès de Comigel, dans lesquels jusqu'à 60 % de cheval a été trouvé. Vendu une livre (1,20 euro) les 450 grammes, le plat est bon marché.
L'enseigne britannique se dit aujourd'hui victime d'une fraude et affirme qu'elle ne travaillera plus avec Comigel, qui n'a pas respecté le cahier des charges qui garantissait 100 % de bœuf irlandais.
Cela soulève pourtant une question : comment un distributeur britannique peut-il commander à prix plancher à une usine basée au Luxembourg un plat fait avec du bœuf irlandais, sans s'interroger sur les méthodes employées ?
Légalement, Tesco est couvert. Les règles européennes obligent simplement les entreprises à suivre les produits alimentaires, une étape avant et une étape après : il faut savoir quelle société avait l'ingrédient juste avant et où cela va ensuite. Du coup, presque personne ne connaît la chaîne de fabrication dans son intégralité.
"Cela pourrait être évité si les entreprises agroalimentaires prenaient leurs responsabilités et cherchaient à superviser le tout. Mais l'industrie est sous une telle pression financière que personne ne veut le faire. La tentation de la fraude est évidente", accuse Andy Bowles, directeur d'ABC Food Safety, société britannique qui forme des inspecteurs sanitaires.
Erica Sheward de l'université de Greenwich (Royaume-Uni) le confirme à sa manière : "Comment les consommateurs qui achètent des steaks hachés à 29 pence (33 centimes) peuvent-ils croire qu'ils n'ont que du bœuf ?"
Cette pression financière n'est pas nouvelle, et le scandale de la viande de cheval n'est pas la première fraude. Au Royaume-Uni, deux autres affaires ont défrayé la chronique ces dernières années. En 2009, on a injecté dans des poulets un liquide dérivé de peaux de porc et de bœuf pour les gonfler. Quelques années plus tôt, on avait fait passer de vieux moutons du pays de Galles pour de jeunes brebis.
"IL FAUT S'ATTENDRE À D'AUTRES RÉVÉLATIONS"
Si bien que dans le milieu alimentaire, personne ne s'étonne vraiment du nouveau scandale. "Je ne suis pas surpris, témoigne sous le couvert de l'anonymat un inspecteur sanitaire basé à Londres. Les supermarchés cherchent tellement à écraser les prix que les dérapages sont inévitables."
Même le département britannique de l'horticulture et de l'agriculture, qui supervise la filière bovine, le reconnaît : "A son extrémité, le commerce de la viande peut être assez trouble", dit Guy Attenborough, son directeur de la communication, qui prévient : "Il faut s'attendre à d'autres révélations."
delphineblanc- Posteur confirmé(e)
- Messages : 70
Date d'inscription : 03/02/2013
Age : 49
Localisation : croth
Re: VIANDE: CHRONOLOGIE D'UN SCANDALE ANNONCE
Je poste ce sujet, car à mon oral, la question était:
Régulièrement des sujets en lien avec la sécurité alimentaire reviennent dans l'actualité. Comment traitez-vous ces informations?
Régulièrement des sujets en lien avec la sécurité alimentaire reviennent dans l'actualité. Comment traitez-vous ces informations?
delphineblanc- Posteur confirmé(e)
- Messages : 70
Date d'inscription : 03/02/2013
Age : 49
Localisation : croth
Re: VIANDE: CHRONOLOGIE D'UN SCANDALE ANNONCE
Toujours avec des pincettes (se méfier du sensationnalisme journalistique) mais essayer de diversifier ses points de vues et de se forger une bonne opinion 'éclairée'...
JLR- Admin
- Messages : 828
Date d'inscription : 25/07/2012
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