Cancers : l'insuffisante prise en charge de la douleur
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Cancers : l'insuffisante prise en charge de la douleur
En cause, le manque de personnel et de formation des équipes, mais aussi le désintérêt de certains médecins.
Même si des traitements efficaces existent, la douleur des patients atteints d'un cancer n'est pas partout prise en charge de la même façon, comme le montre une étude récente. Selon l'implication de l'équipe médicale face à cette problématique difficile, la douleur est plus ou moins bien traitée. «Or la souffrance devrait être mesurée de façon systématique, comme on le fait pour le pouls et la tension, estime le Dr Alain Serrie, spécialiste du traitement de la douleur à l'hôpital Lariboisière à Paris. Le problème, c'est que cette évaluation est chronophage. Tous les médecins ne prennent pas le temps.» Un point de vue partagé par le Dr Ivan Krakowski, du Centre de lutte contre le cancer de Nancy : «La douleur n'est pas valorisée pour les médecins, regrette-t-il. À l'hôpital, les actes techniques sont financés, mais pas ceux qui sont plus intellectuels.»
Et, il faut bien le dire, pour certains praticiens, il est plus gratifiant de voir des patients guérir d'un cancer que d'avoir en consultation des malades qui souffrent. À cela s'ajoute le fait que les personnels formés à la lutte contre la douleur ont tous un certain âge et que la relève n'est pas assurée. «Les progrès de ces dernières années risquent d'être réduits à néant», s'alarme Ivan Krakowski.
Seule une formation adéquate pourrait inverser la tendance. «L'ensemble des médecins devrait être formé à la douleur, et pas seulement les cancérologues. Or seules vingt-deux heures sont consacrées à cette question sur huit ans d'études. C'est un peu court», estime Alain Serrie. «La formation à la douleur est laissée à vau-l'eau. Lors des études de médecine, elle est mélangée aux soins palliatifs, or ce n'est pas nécessairement lié !» déplore Ivan Krakowski. La complexité du sujet requiert une approche pluridisciplinaire. «D'autant plus que certaines douleurs ne répondent pas bien aux opioïdes (la morphine est un opioïde, NDLR). C'est le cas des douleurs neuropathiques, qui nécessitent des traitements spécifiques (antidépresseurs, antiépileptiques)», insiste Louis Brasseur, responsable des activités douleur-soins palliatifs à l'Institut Curie.
«Tolérance à l'effet analgésique»
Si la douleur a encore de beaux jours devant elle, c'est parce qu'elle est encore trop souvent considérée comme secondaire par rapport à la pathologie qui en est la cause, ou encore à cause de la croyance selon laquelle elle signe l'échec de la thérapie et donc celui du médecin. Or le droit à ne pas avoir mal figure dans la charte du patient hospitalisé. L'article L. 1110-5 du Code de la santé publique indique que «toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée». Louis Brasseur confie d'ailleurs que trop souvent, «les médecins jugent que s'occuper de la douleur est un truc d'infirmière. Eux sont plus dans les tumeurs». D'où la nécessité, selon certains praticiens, de revoir le mode de sélection des étudiants en médecine. «La souffrance n'est pas qu'un problème scientifique, il faut savoir communiquer avec le malade, relève Ivan Krakowski. Nous sommes formatés pour voir les problèmes biochimiques et pas le côté humain. Quand on n'a qu'un marteau comme outil, on ne voit que des clous.»
Si depuis des dizaines d'années l'industrie pharmaceutique essaie de mettre au point de nouveaux analgésiques, seules les méthodes d'administration ont changé. Les pompes à morphine, qui ont marqué une avancée significative, mettent de 15 à 20 minutes à agir, autrement dit une éternité pour un patient qui souffre le martyre. D'où l'intérêt d'une administration par voie nasale ou gingivale à l'action ultrarapide, aujourd'hui largement utilisée. Mais les effets secondaires des opioïdes restent nombreux : constipation, démangeaisons ou encore détresse respiratoire.
«Le problème majeur est le développement de la tolérance à l'effet analgésique», explique Frédéric Simonin, chercheur financé par l'ARC à l'École supérieure de biotechnologie de Strasbourg. Les recherches portent donc sur cette tolérance. «Quand on administre des opioïdes à des rongeurs, ils développent une hypersensibilité à la douleur, observe Fédéric Simonin. C'est donc un cercle vicieux, à moins de bloquer les systèmes responsables de l'hypersensibilité. Car le but n'est pas de développer une supermorphine mais des agents antihyperalgésiques.» Mais faire avancer la recherche dans ce domaine a un coût. «Développer des antalgiques ne rapporte rien, comparé à un traitement anticancéreux. Et les laboratoires cherchent la rentabilité», note Ivan Krakowski. Sans compter que cette recherche est limitée. Chez l'animal, il n'est possible de reproduire qu'une toute petite partie physiologique, le versant neurologique n'étant évidemment pas applicable.
Lefigaro.fr
Même si des traitements efficaces existent, la douleur des patients atteints d'un cancer n'est pas partout prise en charge de la même façon, comme le montre une étude récente. Selon l'implication de l'équipe médicale face à cette problématique difficile, la douleur est plus ou moins bien traitée. «Or la souffrance devrait être mesurée de façon systématique, comme on le fait pour le pouls et la tension, estime le Dr Alain Serrie, spécialiste du traitement de la douleur à l'hôpital Lariboisière à Paris. Le problème, c'est que cette évaluation est chronophage. Tous les médecins ne prennent pas le temps.» Un point de vue partagé par le Dr Ivan Krakowski, du Centre de lutte contre le cancer de Nancy : «La douleur n'est pas valorisée pour les médecins, regrette-t-il. À l'hôpital, les actes techniques sont financés, mais pas ceux qui sont plus intellectuels.»
Et, il faut bien le dire, pour certains praticiens, il est plus gratifiant de voir des patients guérir d'un cancer que d'avoir en consultation des malades qui souffrent. À cela s'ajoute le fait que les personnels formés à la lutte contre la douleur ont tous un certain âge et que la relève n'est pas assurée. «Les progrès de ces dernières années risquent d'être réduits à néant», s'alarme Ivan Krakowski.
Seule une formation adéquate pourrait inverser la tendance. «L'ensemble des médecins devrait être formé à la douleur, et pas seulement les cancérologues. Or seules vingt-deux heures sont consacrées à cette question sur huit ans d'études. C'est un peu court», estime Alain Serrie. «La formation à la douleur est laissée à vau-l'eau. Lors des études de médecine, elle est mélangée aux soins palliatifs, or ce n'est pas nécessairement lié !» déplore Ivan Krakowski. La complexité du sujet requiert une approche pluridisciplinaire. «D'autant plus que certaines douleurs ne répondent pas bien aux opioïdes (la morphine est un opioïde, NDLR). C'est le cas des douleurs neuropathiques, qui nécessitent des traitements spécifiques (antidépresseurs, antiépileptiques)», insiste Louis Brasseur, responsable des activités douleur-soins palliatifs à l'Institut Curie.
«Tolérance à l'effet analgésique»
Si la douleur a encore de beaux jours devant elle, c'est parce qu'elle est encore trop souvent considérée comme secondaire par rapport à la pathologie qui en est la cause, ou encore à cause de la croyance selon laquelle elle signe l'échec de la thérapie et donc celui du médecin. Or le droit à ne pas avoir mal figure dans la charte du patient hospitalisé. L'article L. 1110-5 du Code de la santé publique indique que «toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle-ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée». Louis Brasseur confie d'ailleurs que trop souvent, «les médecins jugent que s'occuper de la douleur est un truc d'infirmière. Eux sont plus dans les tumeurs». D'où la nécessité, selon certains praticiens, de revoir le mode de sélection des étudiants en médecine. «La souffrance n'est pas qu'un problème scientifique, il faut savoir communiquer avec le malade, relève Ivan Krakowski. Nous sommes formatés pour voir les problèmes biochimiques et pas le côté humain. Quand on n'a qu'un marteau comme outil, on ne voit que des clous.»
Si depuis des dizaines d'années l'industrie pharmaceutique essaie de mettre au point de nouveaux analgésiques, seules les méthodes d'administration ont changé. Les pompes à morphine, qui ont marqué une avancée significative, mettent de 15 à 20 minutes à agir, autrement dit une éternité pour un patient qui souffre le martyre. D'où l'intérêt d'une administration par voie nasale ou gingivale à l'action ultrarapide, aujourd'hui largement utilisée. Mais les effets secondaires des opioïdes restent nombreux : constipation, démangeaisons ou encore détresse respiratoire.
«Le problème majeur est le développement de la tolérance à l'effet analgésique», explique Frédéric Simonin, chercheur financé par l'ARC à l'École supérieure de biotechnologie de Strasbourg. Les recherches portent donc sur cette tolérance. «Quand on administre des opioïdes à des rongeurs, ils développent une hypersensibilité à la douleur, observe Fédéric Simonin. C'est donc un cercle vicieux, à moins de bloquer les systèmes responsables de l'hypersensibilité. Car le but n'est pas de développer une supermorphine mais des agents antihyperalgésiques.» Mais faire avancer la recherche dans ce domaine a un coût. «Développer des antalgiques ne rapporte rien, comparé à un traitement anticancéreux. Et les laboratoires cherchent la rentabilité», note Ivan Krakowski. Sans compter que cette recherche est limitée. Chez l'animal, il n'est possible de reproduire qu'une toute petite partie physiologique, le versant neurologique n'étant évidemment pas applicable.
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