Contraception : "Les femmes veulent avoir le choix"
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Contraception : "Les femmes veulent avoir le choix"
Pour Catherine El Mghazli, membre du Mouvement français pour le Planning familial, il faut sortir de la politique du "tout pilule".
Louise G. : Dans les années 1970, la pilule a été vécue
comme une libération. Mais j'ai l'impression aujourd'hui que de plus en
plus de jeunes filles refusent de la prendre sous prétexte qu'elle fait
grossir ou trouble leur équilibre hormonal. Comment l'expliquez-vous ?
Catherine El Mghazli : C'est une réalité. Dans les
années 1970, on aurait pu avaler n'importe quoi pour se sentir
protégée. Aujourd'hui, c'est un acquis, mais les contraintes sont un
peu plus difficiles à accepter. Certaines jeunes filles ont
l'impression de prendre un médicament. D'autres ont peur que la
plaquette se voit ou pensent que c'est mauvais pour la santé. Cette
résistance par rapport au fait d'ingérer des hormones a toujours
existé. Mais il faut savoir que la pilule existe depuis cinquante ans
et que nous avons beaucoup de recul sur ses effets. Sa prise
quotidienne n'entraîne aucun risque majeur. Bien sûr, je comprends que
les jeunes femmes cherchent d'autres moyens pour se protéger. Elles
veulent avoir le choix. Pourquoi ne pas leur donner ?
Christal : Comment expliquer qu'on se focalise autant sur la pilule ?
Catherine El Mghazli : Il existe en France une
politique du "tout-pilule" : les jeunes filles vont voir un médecin,
lui demandent une contraception, et on leur donne systématiquement la
pilule. Mais même si c'est un excellent moyen de contraception, il faut
savoir comment la prendre et accepter les contraintes qui vont avec. Il
faut que les jeunes et les moins jeunes sachent qu'il existe d'autres
moyens de contraception comme le patch ou l'anneau vaginal.
Aaron : Comment ces alternatives fonctionnent-elles ?
Catherine El Mghazli : Le patch se porte pendant
trois semaines à partir du début du cycle, puis il faut le retirer une
semaine, pendant laquelle il va y avoir des saignements. Ensuite on
reprend pour trois semaines. C'est exactement le même fonctionnement
que la pilule puisqu'il s'agit d'une association d'hormones :
œstrogènes et progestatifs. Il doit être changé toute les semaines.
Seul le mode d'absorption par le corps diffère.
Pour l'anneau vaginal, le principe est le même. C'est une petite
bague en plastique que l'on met soi-même au fond du vagin, et qu'on
peut garder trois semaines. Au bout de trois semaines, on le retire
soi-même, ce qui entraîne des saignements du fait de la chute
d'hormones. L'avantage de l'anneau, c'est qu'on n'a à y penser qu'une
fois par mois.
Pour les filles qui ont du mal à se faire à la discipline qu'impose
la pilule, ce peut être des moyens intéressants. L'inconvénient pour le
patch et l'anneau, c'est qu'ils ne sont pas remboursés par la Sécurité
sociale. Il faut compter 15 euros par mois environ, un prix souvent
inabordable pour les jeunes femmes.
Marianne : Est-ce que les gynécologues n'ont pas une grande part de responsabilité dans cette politique du "tout pilule" ? Pourquoi est-ce si difficile pour une jeune fille de se faire poser un stérilet ?
Catherine El Mghazli : Les gynécologues ont
évidemment une influence considérable sur cet état de fait. Dans notre
centre de planning, les médecins proposent le stérilet à des jeunes
femmes qui n'ont pas eu d'enfant. Elles sont d'ailleurs de plus en plus
nombreuses à le demander.
Lola : Ne croyez-vous pas que la chose la plus importante
serait de responsabiliser les comportements sexuels plutôt que de
proposer à tout bout de champ de nouveaux contraceptifs ?
Catherine El Mghazli : Je ne sais pas très bien ce que veut dire "responsabiliser les comportements sexuels".
Si cela signifie ne plus avoir de rapports sexuels, c'est irréaliste.
S'il s'agit de pratiquer le retrait ou coït interrompu, ça ne marche
pas bien. Si cela veut dire compter les jours et qu'il y a des périodes
plus à risque que d'autres, ce n'est pas efficace non plus.
Olivier : Est-ce que le préservatif féminin se développe en France ? Est-il plus utilisé dans les autres pays européens ?
Catherine El Mghazli : En France, c'est de plus en
plus connu, mais on n'en trouve pas partout, et il reste trop cher.
Nous en parlons au Planning familial, et nous constatons que certaines
femmes ou certains couples apprécient ce moyen de contraception. Les
préservatifs féminins protègent aussi des maladies sexuellement
transmissibles, c'est une alternative aux préservatifs masculins.
Lou bria : A-t-on de plus en plus recours à la pilule du lendemain ?
Catherine El Mghazli : Les femmes y ont couramment
recours et c'est tant mieux. Cela évite des grossesses, et quand il y a
erreur sur la contraception ou pas de contraception du tout, c'est ce
qu'il faut prendre. Nous préférons parler de pilule d'urgence, car on
peut la prendre pendant deux ou trois jours. Ce n'est pas dangereux
pour la santé. Son seul inconvénient, c'est qu'elle n'est pas sûre à
100 %.
Christal : Le profil des femmes ayant recours à une IVG a-t-il changé en trente-cinq ans ?
Catherine El Mghazli : Quel que soit le milieu
social, toutes les femmes peuvent avoir recours à l'IVG. Il n'y a pas
de profil type. Bien sûr, il existe des personnes plus vulnérables qui
n'ont pas accès à l'information, soit parce qu'elles sont en marge du
circuit scolaire, soit parce que leur cadre familial les isole.
Lila : Les hommes viennent-ils plus souvent vous voir qu'il
y a une dizaine d'années ? Quid des évolutions contraceptives pour eux ?
Catherine El Mghazli : Les hommes ne se rendent pas
beaucoup dans les centres de planification. La responsabilité de la
contraception incombe toujours essentiellement aux femmes, et c'est
regrettable. D'ailleurs, on les entend souvent se plaindre à ce sujet.
Côté contraception, il n'existe pas grand-chose pour les hommes en
dehors des préservatifs pour le moment.
Mady : Pensez-vous qu'un échec de contraception dans un
couple est aujourd'hui mieux partagé ou qu'il demeure l'affaire de la
femme ?
Catherine El Mghazli : Ça dépend de ce qui unit le
couple, mais il est vrai que les femmes sont souvent les seules à gérer
les échecs de contraception. Au Planning familial, on reçoit beaucoup
de femmes en difficulté parce que leur partenaire leur en veut d'être
tombée enceinte et les oblige à pratiquer une interruption de
grossesse. Elles ressentent de la culpabilité, et c'est un poids énorme
pour elle.
Tip : Avez-vous l'impression que les jeunes sont mieux informés sur la contraception qu'il y a dix ou vingt ans ?
Catherine El Mghazli : Ils sont bien informés sur
les contraceptifs les plus courants, mais ce n'est pas suffisant. Parce
qu'ils sont très sollicités dans les médias, ils ont l'impression de
tout savoir. Or quand on discute avec eux, on se rend compte qu'ils
ignorent beaucoup de choses sur comment prendre la pilule et les autres
moyens de contraception existants.
Stefani : Est-ce qu'il a déjà été envisagé de rendre gratuit
la contraception, la pilule notamment ? Cette gratuité pourrait-elle
faciliter les choses ?
Catherine El Mghazli : Oui. C'est une de nos
revendications au Planning familial qu'il y ait toute gratuité pour les
mineures et les personnes non assurées sociales, pour tous les moyens
de contraception, et qu'il y ait un remboursement pour tous les moyens
de contraception. On demande même la gratuité jusqu'à vingt-cinq ans,
jusqu'à ce que les personnes aient leur propre mutuelle. Mais il
faudrait au moins que tous les moyens de contraception soient
remboursés, ce qui est loin d'être le cas. Comme je le disais, une
pilule qui revient à 15 euros, c'est beaucoup et pas accessible à tout
le monde.
Mady : Pensez-vous que les religions continuent à peser sur l'accès à la contraception ?
Catherine El Mghazli : Oui, malheureusement. Dans
les pays où la religion catholique est toujours très puissante, comme
la Pologne ou l'Irlande, il est beaucoup plus difficile d'avoir accès à
la contraception.
Chat modéré par Elise Barthet
Le Monde, le 02.02.10
Louise G. : Dans les années 1970, la pilule a été vécue
comme une libération. Mais j'ai l'impression aujourd'hui que de plus en
plus de jeunes filles refusent de la prendre sous prétexte qu'elle fait
grossir ou trouble leur équilibre hormonal. Comment l'expliquez-vous ?
Catherine El Mghazli : C'est une réalité. Dans les
années 1970, on aurait pu avaler n'importe quoi pour se sentir
protégée. Aujourd'hui, c'est un acquis, mais les contraintes sont un
peu plus difficiles à accepter. Certaines jeunes filles ont
l'impression de prendre un médicament. D'autres ont peur que la
plaquette se voit ou pensent que c'est mauvais pour la santé. Cette
résistance par rapport au fait d'ingérer des hormones a toujours
existé. Mais il faut savoir que la pilule existe depuis cinquante ans
et que nous avons beaucoup de recul sur ses effets. Sa prise
quotidienne n'entraîne aucun risque majeur. Bien sûr, je comprends que
les jeunes femmes cherchent d'autres moyens pour se protéger. Elles
veulent avoir le choix. Pourquoi ne pas leur donner ?
Christal : Comment expliquer qu'on se focalise autant sur la pilule ?
Catherine El Mghazli : Il existe en France une
politique du "tout-pilule" : les jeunes filles vont voir un médecin,
lui demandent une contraception, et on leur donne systématiquement la
pilule. Mais même si c'est un excellent moyen de contraception, il faut
savoir comment la prendre et accepter les contraintes qui vont avec. Il
faut que les jeunes et les moins jeunes sachent qu'il existe d'autres
moyens de contraception comme le patch ou l'anneau vaginal.
Aaron : Comment ces alternatives fonctionnent-elles ?
Catherine El Mghazli : Le patch se porte pendant
trois semaines à partir du début du cycle, puis il faut le retirer une
semaine, pendant laquelle il va y avoir des saignements. Ensuite on
reprend pour trois semaines. C'est exactement le même fonctionnement
que la pilule puisqu'il s'agit d'une association d'hormones :
œstrogènes et progestatifs. Il doit être changé toute les semaines.
Seul le mode d'absorption par le corps diffère.
Pour l'anneau vaginal, le principe est le même. C'est une petite
bague en plastique que l'on met soi-même au fond du vagin, et qu'on
peut garder trois semaines. Au bout de trois semaines, on le retire
soi-même, ce qui entraîne des saignements du fait de la chute
d'hormones. L'avantage de l'anneau, c'est qu'on n'a à y penser qu'une
fois par mois.
Pour les filles qui ont du mal à se faire à la discipline qu'impose
la pilule, ce peut être des moyens intéressants. L'inconvénient pour le
patch et l'anneau, c'est qu'ils ne sont pas remboursés par la Sécurité
sociale. Il faut compter 15 euros par mois environ, un prix souvent
inabordable pour les jeunes femmes.
Marianne : Est-ce que les gynécologues n'ont pas une grande part de responsabilité dans cette politique du "tout pilule" ? Pourquoi est-ce si difficile pour une jeune fille de se faire poser un stérilet ?
Catherine El Mghazli : Les gynécologues ont
évidemment une influence considérable sur cet état de fait. Dans notre
centre de planning, les médecins proposent le stérilet à des jeunes
femmes qui n'ont pas eu d'enfant. Elles sont d'ailleurs de plus en plus
nombreuses à le demander.
Lola : Ne croyez-vous pas que la chose la plus importante
serait de responsabiliser les comportements sexuels plutôt que de
proposer à tout bout de champ de nouveaux contraceptifs ?
Catherine El Mghazli : Je ne sais pas très bien ce que veut dire "responsabiliser les comportements sexuels".
Si cela signifie ne plus avoir de rapports sexuels, c'est irréaliste.
S'il s'agit de pratiquer le retrait ou coït interrompu, ça ne marche
pas bien. Si cela veut dire compter les jours et qu'il y a des périodes
plus à risque que d'autres, ce n'est pas efficace non plus.
Olivier : Est-ce que le préservatif féminin se développe en France ? Est-il plus utilisé dans les autres pays européens ?
Catherine El Mghazli : En France, c'est de plus en
plus connu, mais on n'en trouve pas partout, et il reste trop cher.
Nous en parlons au Planning familial, et nous constatons que certaines
femmes ou certains couples apprécient ce moyen de contraception. Les
préservatifs féminins protègent aussi des maladies sexuellement
transmissibles, c'est une alternative aux préservatifs masculins.
Lou bria : A-t-on de plus en plus recours à la pilule du lendemain ?
Catherine El Mghazli : Les femmes y ont couramment
recours et c'est tant mieux. Cela évite des grossesses, et quand il y a
erreur sur la contraception ou pas de contraception du tout, c'est ce
qu'il faut prendre. Nous préférons parler de pilule d'urgence, car on
peut la prendre pendant deux ou trois jours. Ce n'est pas dangereux
pour la santé. Son seul inconvénient, c'est qu'elle n'est pas sûre à
100 %.
Christal : Le profil des femmes ayant recours à une IVG a-t-il changé en trente-cinq ans ?
Catherine El Mghazli : Quel que soit le milieu
social, toutes les femmes peuvent avoir recours à l'IVG. Il n'y a pas
de profil type. Bien sûr, il existe des personnes plus vulnérables qui
n'ont pas accès à l'information, soit parce qu'elles sont en marge du
circuit scolaire, soit parce que leur cadre familial les isole.
Lila : Les hommes viennent-ils plus souvent vous voir qu'il
y a une dizaine d'années ? Quid des évolutions contraceptives pour eux ?
Catherine El Mghazli : Les hommes ne se rendent pas
beaucoup dans les centres de planification. La responsabilité de la
contraception incombe toujours essentiellement aux femmes, et c'est
regrettable. D'ailleurs, on les entend souvent se plaindre à ce sujet.
Côté contraception, il n'existe pas grand-chose pour les hommes en
dehors des préservatifs pour le moment.
Mady : Pensez-vous qu'un échec de contraception dans un
couple est aujourd'hui mieux partagé ou qu'il demeure l'affaire de la
femme ?
Catherine El Mghazli : Ça dépend de ce qui unit le
couple, mais il est vrai que les femmes sont souvent les seules à gérer
les échecs de contraception. Au Planning familial, on reçoit beaucoup
de femmes en difficulté parce que leur partenaire leur en veut d'être
tombée enceinte et les oblige à pratiquer une interruption de
grossesse. Elles ressentent de la culpabilité, et c'est un poids énorme
pour elle.
Tip : Avez-vous l'impression que les jeunes sont mieux informés sur la contraception qu'il y a dix ou vingt ans ?
Catherine El Mghazli : Ils sont bien informés sur
les contraceptifs les plus courants, mais ce n'est pas suffisant. Parce
qu'ils sont très sollicités dans les médias, ils ont l'impression de
tout savoir. Or quand on discute avec eux, on se rend compte qu'ils
ignorent beaucoup de choses sur comment prendre la pilule et les autres
moyens de contraception existants.
Stefani : Est-ce qu'il a déjà été envisagé de rendre gratuit
la contraception, la pilule notamment ? Cette gratuité pourrait-elle
faciliter les choses ?
Catherine El Mghazli : Oui. C'est une de nos
revendications au Planning familial qu'il y ait toute gratuité pour les
mineures et les personnes non assurées sociales, pour tous les moyens
de contraception, et qu'il y ait un remboursement pour tous les moyens
de contraception. On demande même la gratuité jusqu'à vingt-cinq ans,
jusqu'à ce que les personnes aient leur propre mutuelle. Mais il
faudrait au moins que tous les moyens de contraception soient
remboursés, ce qui est loin d'être le cas. Comme je le disais, une
pilule qui revient à 15 euros, c'est beaucoup et pas accessible à tout
le monde.
Mady : Pensez-vous que les religions continuent à peser sur l'accès à la contraception ?
Catherine El Mghazli : Oui, malheureusement. Dans
les pays où la religion catholique est toujours très puissante, comme
la Pologne ou l'Irlande, il est beaucoup plus difficile d'avoir accès à
la contraception.
Chat modéré par Elise Barthet
Le Monde, le 02.02.10
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