Les médecins endurcis à la douleur
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Les médecins endurcis à la douleur
Une étude montre que les praticiens ont appris à gérer leurs émotions pour garder la maîtrise de la situation.
On
pourrait croire que les médecins sont des êtres totalement insensibles,
eux qui confrontés à la maladie, à la souffrance, à la douleur et
parfois à la mort, gardent leur sang-froid. Des chercheurs viennent de
se pencher sur la manière dont les médecins ressentent la douleur de
leurs patients. En réalité, ces travaux montrent que les praticiens ont
appris à gérer leurs émotions au fil des années. Et que cela est devenu
un automatisme. Ces travaux réalisés par le neurobiologiste Jean Decety
de l'Université de Chicago aux États-Unis avec des chercheurs de
l'Université nationale Yang Ming à Taïwan sont publiés dans la revue
NeuroImage. Ces mêmes chercheurs avaient déjà montré que
certaines zones du cerveau s'activent lorsque nous voyons un traitement
douloureux appliqué à une autre personne. Ces zones du circuit de la
douleur recoupent en partie celles mobilisées lorsque nous éprouvons
nous-mêmes cette douleur : difficile par exemple de rester de marbre à
l'image d'une piqûre donnée à autrui. Les médecins doivent cependant
garder leur sang-froid pour éviter d'inquiéter inutilement leurs
malades - ce qui aurait pour effet d'augmenter encore leur douleur - et
pour conserver la concentration qui leur permettra de trouver le
meilleur traitement à donner. «Nous avions déjà montré que certaines
zones, dans le cortex préfrontal notamment, s'activent uniquement chez
les médecins face à la douleur d'autrui et que cela était causé par un
contrôle spécifique de leurs émotions, précise Jean Decety. Restait à
savoir si cette régulation s'exerçait dès la perception ou si elle
était le résultat d'un contrôle cognitif plus tardif de la part du
cerveau.» Pour le mesurer, les chercheurs ont présenté à une
trentaine de personnes, des médecins ou des personnes «témoins»
n'appartenant pas au secteur médical, des images de personnes piquées.
Au même moment, la réaction électrique la plus précoce de leur cerveau
était mesurée par électroencéphalo-gramme. Une différence, immédiate,
est alors apparue : le signal de la perception de la douleur chez
autrui qui est détecté après un dixième de seconde faisait défaut chez
les médecins. Ce signal, qui était aussi proportionnel à la douleur
estimée chez autrui, n'était paradoxalement plus induit chez des
personnes habituées à travailler avec des personnes souffrantes. «Ce
contrôle implicite très précoce de l'empathie des médecins est
probablement acquis au cours des études médicales puis de l'expérience
clinique», commente Jean Decety. Le contrôle inconscient de la
perception de la douleur développé auprès des malades évite de manière
très précoce au professionnel une perturbation émotionnelle au moment
où il doit être efficace. Nécessité d'agir
Ce
résultat pourrait permettre d'expliquer pourquoi les médecins ont été
si souvent accusés d'être insensibles à la souffrance de leurs patients
et pourquoi cette douleur a été si longtemps négligée par la médecine.
La nécessité d'agir impose en contrepartie au praticien un contrôle
très élevé de ses réactions émotionnelles. Et si le médecin soigne un
proche ? «On peut alors s'attendre à un résultat différent estime Jean
Decety, car notre cerveau s'adapte aux contextes sociaux.» Dans ce cas
il lui sera plus difficile de maîtriser l'excitation inconsciente de
ses émotions. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles
il est conseillé aux praticiens de ne pas soigner directement leurs
proches. L'étude ne s'est pas intéressée à la douleur morale ressentie
par les médecins, face à des situations tragiques, de maladie grave, de
handicap ou de décès vécus par leur patient. On sait dans la pratique
courante que certains médecins participent à des groupes de parole pour
libérer la tension liée aux moments difficiles à gérer.
Lefigaro.fr
On
pourrait croire que les médecins sont des êtres totalement insensibles,
eux qui confrontés à la maladie, à la souffrance, à la douleur et
parfois à la mort, gardent leur sang-froid. Des chercheurs viennent de
se pencher sur la manière dont les médecins ressentent la douleur de
leurs patients. En réalité, ces travaux montrent que les praticiens ont
appris à gérer leurs émotions au fil des années. Et que cela est devenu
un automatisme. Ces travaux réalisés par le neurobiologiste Jean Decety
de l'Université de Chicago aux États-Unis avec des chercheurs de
l'Université nationale Yang Ming à Taïwan sont publiés dans la revue
NeuroImage. Ces mêmes chercheurs avaient déjà montré que
certaines zones du cerveau s'activent lorsque nous voyons un traitement
douloureux appliqué à une autre personne. Ces zones du circuit de la
douleur recoupent en partie celles mobilisées lorsque nous éprouvons
nous-mêmes cette douleur : difficile par exemple de rester de marbre à
l'image d'une piqûre donnée à autrui. Les médecins doivent cependant
garder leur sang-froid pour éviter d'inquiéter inutilement leurs
malades - ce qui aurait pour effet d'augmenter encore leur douleur - et
pour conserver la concentration qui leur permettra de trouver le
meilleur traitement à donner. «Nous avions déjà montré que certaines
zones, dans le cortex préfrontal notamment, s'activent uniquement chez
les médecins face à la douleur d'autrui et que cela était causé par un
contrôle spécifique de leurs émotions, précise Jean Decety. Restait à
savoir si cette régulation s'exerçait dès la perception ou si elle
était le résultat d'un contrôle cognitif plus tardif de la part du
cerveau.» Pour le mesurer, les chercheurs ont présenté à une
trentaine de personnes, des médecins ou des personnes «témoins»
n'appartenant pas au secteur médical, des images de personnes piquées.
Au même moment, la réaction électrique la plus précoce de leur cerveau
était mesurée par électroencéphalo-gramme. Une différence, immédiate,
est alors apparue : le signal de la perception de la douleur chez
autrui qui est détecté après un dixième de seconde faisait défaut chez
les médecins. Ce signal, qui était aussi proportionnel à la douleur
estimée chez autrui, n'était paradoxalement plus induit chez des
personnes habituées à travailler avec des personnes souffrantes. «Ce
contrôle implicite très précoce de l'empathie des médecins est
probablement acquis au cours des études médicales puis de l'expérience
clinique», commente Jean Decety. Le contrôle inconscient de la
perception de la douleur développé auprès des malades évite de manière
très précoce au professionnel une perturbation émotionnelle au moment
où il doit être efficace. Nécessité d'agir
Ce
résultat pourrait permettre d'expliquer pourquoi les médecins ont été
si souvent accusés d'être insensibles à la souffrance de leurs patients
et pourquoi cette douleur a été si longtemps négligée par la médecine.
La nécessité d'agir impose en contrepartie au praticien un contrôle
très élevé de ses réactions émotionnelles. Et si le médecin soigne un
proche ? «On peut alors s'attendre à un résultat différent estime Jean
Decety, car notre cerveau s'adapte aux contextes sociaux.» Dans ce cas
il lui sera plus difficile de maîtriser l'excitation inconsciente de
ses émotions. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles
il est conseillé aux praticiens de ne pas soigner directement leurs
proches. L'étude ne s'est pas intéressée à la douleur morale ressentie
par les médecins, face à des situations tragiques, de maladie grave, de
handicap ou de décès vécus par leur patient. On sait dans la pratique
courante que certains médecins participent à des groupes de parole pour
libérer la tension liée aux moments difficiles à gérer.
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